A son tour, le grand Héros pour l'éveil Go Lodèn Shérab(22) le Traducteur, alors qu'il s'entraînait spirituellement au Cachemire, ayant entendu [de Sajjana, les deux textes], les traduisit sur place en tibétain, les expliquant à une vaste échelle au Pays des Neiges. Il composa un commentaire de la Continuité ultime , à partir de laquelle ses propres disciples, Lodreu Djoungné (23) et < Shangsté Pongpa Cheukyi Lama (24) rédigèrent également des annotations. A partir de celles-ci, [d'une part] le disciple de Shangtsé Pongpa Cheukyi Lama, Nyèndrènpa Cheukyi Shérab(25) écrivit un commentaire. [D'autre part], Chapa Cheusèng(26) [le disciple de Lodreu Djoungné] eut des disciples, Tsang Nagpo Tseundru Sèngué (27) , Dènpagpa Mawai Sèngué (28), etc., qui composèrent beaucoup de commentaires. Puis leurs successeurs, Lodreu Tsoungmé (29) , Drogon Pagmodrou Gyaltsèn Tsèn Zangpo, Rongteun Shéja Kunzig et autres, nombre de bons lettrés, couvrirent tous les royaumes tibétains des volumes de leur glose. Tous restèrent dans le sillage du grand Go Lodèn Shérab, malgré des angles d'approche différents en terme de vocabulaire religieux.
Plus tôt, [avant le traducteur Go Lodèn Shérab], Nétèn Djang Choup Nédé de Yer ayant fait la requête de la Continuité ultime au Bodhisattva du Bon Kalpa - le grand savant, seigneur des seigneurs - Atiśa dīpańkaraśrījñāna , ceci amena le traducteur Nagtso Tsultrim Gyèlwa Nagtso Tsultrim Gyèlwa à la traduire. A partir de sa version, le grand Charawa procéda à des enseignements, mais, par la suite, comme la majorité des disciples préférait l'interprétation de Go Lodèn Shérab, il enseigna entièrement par deux fois à partir de celle-ci, sait-on aujourd'hui. Si, par la suite encore, les traducteursPatsab, Marpa Dopa et bien d'autres, s'appliquèrent à la Continuité ultime, en réalité, ils n'engendrèrent aucune [tradition d'] exégèse ou de transmission orale durable.
L'élève de Trapa Ngneunché connu sous le nom de Khenpo
Tsèn alla au Cachemire en même temps que le grand
traducteur [Go Lodèn Shérab] et s'adressa à
Sajjana : “Puisque je veux adopter les Dharmas du vainqueur
Maitreya comme ma pratique religieuse en vue de la mort, liez-moi
à votre cœur par une instruction
spéciale !” Avec Zou comme traducteur, Sajjana les
lui enseigna tous les cinq [ les Dharma de Maitreya ]. Egalement
il lui en donna avec soin les instructions spéciales que
Tsèn, une fois rendu au Tibet, enseigna en U et Tsang.
[De son côté], Zou composa un commentaire secondaire en
accord avec l'énoncé de Sajjana. Il traduisit
également le texte-racine et le commentaire de Discerner les phénomènes de leur nature réelle . Ce système [dit de Zou et Tsè n] était un système de méditation sur les Dharma de Maitreya
renommé, grâce à des explications originales et une
pratique particulièrement élevée. Une transmission
en naquit et Rangjoung Dorjé l'omniscient, qui, par sa
clairvoyance, avait réalisé telle qu'elle est la
Pensée de l'Invaincu [Maitreya], composa un abrégé
du contenu de la Continuité ultime .
[Son disciple] Karma Keun Cheun et d'autres [dont son fils], firent de larges exégèses. Karma
Trinlépa le Grand apporta un commentaire en insérant de
légers correctifs à ces dernières.
Le grand Cheunou Pèl rédigea un large commentaire
explicatif de celui d'Asańga conforme au système extraordinaire
du grand omniscient Dolpopa, que le grand Cheunou Pèl commenta
également. A partir de ce moment, des lignées
générales de disciples et en particulier celle de
l'omniscient Taranatha, etc., établirent des préceptes
basés sur l'intellect et l'expérience, dont la lecture
rituelle ( lung ) des commentaires se transmet encore aujourd'hui.
Plus tard, Kunzig Cheukyi Djoungné reçut l'enseignement du glorieux et grand Cheukyi Droup et [son disciple] le maître des érudits, Laloung Karma
Tènpel de Zourmang tira un recueil d'annotations du courant des
explications maintes fois reprises [par son maître]. Ce recueil
fut très bien reçu. De tous ces courants, nous suivons
surtout celui du vainqueur Rangjoung Dorjé.
Le vainqueur [Maitreya] a dit :
“Les êtres sont doués en permanence de l'essence de la bouddhé ité”.
Le texte a pour base l'explication de ce point crucial. Quant à la manière de procéder, il y eut une quantité de traditions différentes, se conformant chacune à son propre système scriptural, logique, méditatif, en Inde et au Tibet. Cependant, les maîtres de la Voie Médiane de sens direct professent ainsi : les trois cycles d'enseignement se résument, dans leur vastitude, à la double absence d'un soi. Au niveau ultime, compte tenu du fait que chez l'individu et les phénomènes, il y a vacuité de préhenseur et de préhensible, ce mode de vacuité n'est [pourtant] pas seulement une négation non affirmative. “Il y a une vacuité qui est l'absence directe d'existence ( dngos po med pa ) des êtres et des phénomènes. Et il y a une vacuité [autre, vide] de la pré sence de cette absence d'existence”(Distinguer le milieu des extrêmes). L'absence que nie ce [second] mode de vacuité ainsi décrit, c'est celle de l'essence de l'intelligence auto-connaissante, auto-illuminante, que dans ce contexte, on appelle “ nature de bouddha (ou Cœur de l’Ainsi-allé) (tathatagarbha) ” et qui constitue en elle-même le “vajra de sens direct” ( nges don gyi rdo rje ).
[44] Ce vajra est divisé en trois phases [d'une ainsité] “Impure, pure, extrêmement pure. Dans le même ordre, on l’appelle êtres sensibles, Héros pour l’éveil ou Ainsi allé. (S. 44)”. Présent à la phase entachée par les souillures adventices, au stade du saḿsāra, [le vajra] est nommé “ être ordinaire” et dans ce cas il a la dimension ( dbyings ) de noblesse spirituelle ( rigs ), d'élément ( khams ) ou germe de Bouddhéité ( de gshegs snying po )”.
Dans une conjonction de pureté et d'impureté, on l'appelle “individu établi sur le chemin”, prenant la dimension du Dharma et du sańgha. Par exemple, du seul point de vue de la sagesse du chemin de la vision, c'est le sańgha. Du point de vue du chemin de l'absence d'obstacles, il est la vérité du chemin et, en particulier, du point de vue de ce qui l'accompagne, le chemin de la libération complète, il est la vérité de la cessation. A la phase de très grande pureté de Bouddha, [le vajra], dit Sugata (Bien-allé), etc. prend la dimension du “Corps de réalité” auquel on reconnaît trois aspects : l'éveil, les qualités, l'activité.
Le vajra se subdivise donc en sept points adamantins [ : élément, Bouddha, Dharma, sańgha, éveil, qualités, activité]. Certes il est facile de réaliser que ces sept [points adamantins] résument l'enseignement de sens direct des deux derniers cycles de la Roue du Dharma, mais on peut hésiter à y inclure, de la même façon, le sens direct du premier mouvement de la Roue, l'absence d'un soi de l'individu : on le peut du fait que la base à purifier ( sbyong bzh ), les moyens de la purification et le fruit de la purification du chemin mineur [du petit véhicule] appartiennent à l'ainsité ( de bzhin nyid ) entachée.
Le principal objet de ce traité est donc le mode d'être du tathāgatagarbha.
Ayant compris que tous les enseignements définitifs des trois
cycles y étaient inclus, on pourrait se demander ce qu'est
vraiment cette nature essentielle ; d'une manière
générale, elle est décrite sous quatre aspects dans les paroles du Bouddha :
- vacuité de l'absence d'élaboration ( spros pa dang bral ba'i stong pa nyid ) ;
- claire lumière de la nature de l'esprit ( sems kyi rang bzhin 'od gsal ba ) ;
- conscience base de tout ( kun gzhi'i rnam par shes pa ) ;
- Héros pour l'éveil (bodhi-sattva) et êtres ordinaires (sattva).
A partir des mêmes paroles du Bouddha, quatre propriétés ressortent : le Corps de réalité, l'ainsité, la noblesse spirituelle, se présentant comme des caractéristiques individuelles et l'absence de concept, en tant que caractéristique générale.
Ces quatre aspects sont les manières d'exprimer la Pensée [du Bouddha], par rapport aux trois phases décrites plus haut [impures, partiellement pures, extrêmement pures] tant au sens direct qu'interprétable.
D'où viennent leurs explications et quels individus les ont développées ?
- L'absence d'élaboration [en tant que tathāgatagarbha] : C'est le sens certain (nitharta) à partir de la seconde mise en mouvement de la Roue, mis en lumière via les nombreuses sortes de raisonnements et écritures de l'éminent nāgārjuna et ses successeurs. En fait, en tant que base de définition ( mtshan gzhi ) de la vacuité, de la nature propre, etc., le rejet de [toute assertion] d'un existant ( med par dgag pa nyid ), prouvé par la force des raisonnements amenés par la Collection des six traités, semble communément admis par les maîtres Conséquentialistes et Autonomes du Pays Noble [de l'Inde] et les mādhyamika rangtongpa du Tibet, qui n'acceptent [en tant qu'absence d'élaboration] que cette négation non affirmative. Par rapport au tathāgatagarbha et à sa relation à cette vacuité,Bhavaviveka, dans la Flamme du raisonnement et arya Vimuktasena, Haribadra, expliquent que gotra et Corps essentiel sont cette vacuité de la négation non affirmative. En effet, Candra[kirti] proclame ce point . Jñanagarbha, encore, explique ainsi le Corps de réalité. Ainsi est-elle bien considérée comme le garbha.
Né anmoins, il est dit que c'est grande maladie de Héros pour l'éveil que cette vacuité de négation non affirmative déduite par la connaissance valide inférentielle ( rjes dpag tshad ma ) : celle-ci même devient une grande entrave conceptuelle . La dernière mise en mouvement du cycle de la Roue est particuliè rement éminente du fait qu'elle permet de s'engager dans une [vraie] absence de concepts ( rnam par mi rtog pa la 'jug pa'i don ).
- La claire lumière de l'esprit [en tant que tathatagarbha] : [la doctrine] est clairement expliquée dans les deux derniers cycles d'enseignement, dans les tantras du Mantrayana, dans la Continuité ultime, l'Ornement des sūtra du mahayana .
- La conscience base de tout [en tant que tathāgatagarbha] : cette doctrine se présente dans ces sūtra : le Sūtra du voyage à Lanka, le Sūtra [du champ pur] “Richement orné”, le Sūtra du rugissement du lion de la reine Srimala, la Tente de vajra, etc. Cette explication revient souvent et les maîtres de l’école du Seul Esprit (cittamatra) la prirent textuellement.
- Les ê tres sensibles [en tant que tathāgatagarbha] : Le commentaire nommé “Lampe éclatante”, dit : “Tous les êtres sont le tathāgatagarbha”. Et la Continuité ultime elle-même : “[…] le Cœur Ainsi au cours de ces trois phases, Est enseigné par ces trois noms. (S. 45)”.
Le sens de ces énoncés sera développé à loisir ci-dessous ; dans l’immédiat ce simple [extrait du] traité suffira :
“Tous ceux qui errent ont la nature de Bouddha, a t-il été dit,
Car la sagesse éveillée gît
Dans la multitude des êtres,
Car la nature immaculée
est sans les deux [passions et actes],
Car dire que les êtres appartiennent
A la noblesse des éveillés
Est une métaphore pour dire
Que ces êtres ont déjà le fruit.” (S. 27)”.
D’abord la sagesse des Bouddhas inhérente aux êtres est appelée tathāgatagarbha parce que [c’est le propre de] la sagesse de Bouddha de demeurer en la totalité des êtres. En second, la nature propre de l’esprit, la tathata (ainsité), immaculée puisque sans taches adventices, est enseignée, elle aussi, comme étant le garbha, car elle est présente sans distinction chez les Bouddhas et les êtres. Troisièmement, on explique le garbha en disant métaphoriquement qu’il est le tathāgata. La noblesse spirituelle (gotra) d'un Bouddha est assignée aux êtres du fait que leurs agrégats, etc., sont des facteurs de ressemblance avec un Bouddha et “noblesse spirituelle” impliquant une grande ressemblance.
Au début, le Corps de réalité est la caractéristique spé cifique ( rang gyi mtshan nyid ) de la réalité ( dngos ) du tathāgata, il est la nature essentielle ( garbha ) des êtres par déduction ( btags pa ) ; au milieu, l’ainsité est la caractéristique spécifique de la réalité des deux [tathāgata et garbha], car elle participe à la fois du Bouddha et des êtres ; à la fin, la filiation spirituelle (gotra) est la caractéristique spécifique de la réalité de la nature spirituelle (garbha) des êtres et la nature de bouddha (tathāgata) est leur par déduction.
Ceci a été établi par Cheunou Pèl. Quand à l’absence de concepts , elle devrait être comprise comme la caractéristique commune aux quatre points du Corps de réalité, tathāgata, garbha, gotra.
Noblesse spirituelle ( rigs ), élément ( khams ), germe ( sa bon ), etc., sont donnés comme synonymes. Le terme “élément ( khams )”, bien qu’il ne signifie pas “hetu (cause primaire)”, est employé parce qu’il porte le sens d’ une essence présente mais non révélée. Les neuf images, du Bouddha dans le lotus fané, etc., et leur neuf significations, d’une nature effectivement vraiment là mais masquée à l’extérieur par des voiles étrangers sont des exemples d’élément. Cependant le dharmadhātu est désigné aussi bien par les mots khams (élément) que rigs (noblessse spirituelle) ;
.“garbha” est utilisé car il s’applique
à ce qui demeure central et recouvert par des peaux.
L’ainsité est voilée, au moment de la base, par des
souillures dont elle émerge ;
.“ Hṛīdaya” est utilisé car il s’applique
à la quintessence, le meilleur de quelque chose. Or leur
ainsité, leur quiddité, est la quintessence et la
meilleure part des dharmas ;
.“sara” est utilisé, car il signifie
“dur” et “constant”, pour la tathata quand elle
doit être saisie avec l’acceptation :
“inaltérable”.