La Continuité Ultime

Les qualités

Les qualités de la libération
les dix forces, les quatre impavidités, les dix-huit qualités déterminées

193 Ses forces sont, vis à vis des voiles
De l'ignorance, telles un vajra,
Ses impavidités sont celles
D'un lion quand il vaque parmi
Sa horde. L'abscence de mélange en
Celui allé dans l'ainsité
Est celle du ciel. Aussi, Muni,
Il se fait voir sous deux aspects
A l'image d'une lune dans l'eau.
193 Les dix forces du vainqueur sont, vis à vis des voiles de l'ignorance ou autre qu'elles combattent, telles un vajra, car celui-ci, essence de la matière, a la capacité de défaire ce que nulle autre [arme] ne déferait.
Ses quatre impavidités sont celles d'un lion, roi des fauves, quand celui-ci vaque sans broncher parmi la horde de ceux-ci. L'absence de mélange [des dix-huit [qualités] en l'Ainsi allé, sans mélange car sans commune mesure avec les autres, est comme celle du ciel, lui-même sans commune mesure avec les quatre éléments. Aussi, les deux aspects sous lesquels se font voir les deux corps formels du Muni sont à l'image d'une lune et l'eau [qui la réfléchirait] : apparaissant aux [perceptions] variées des êtres suivant leurs aspirations sans pourtant d'essence propre.

Les dix forces

194 Connaissant le fondé et l'infondé,
Le mûrissement des actes, les facultés,
Tempéraments, aspirations, les menées de toutes
Sortes, recueillements sans passions, ayant
La mémoire subséquente des demeures,
Un regard divin, et connaissant la paix,
Tels sont les dix aspects de sa puissance.
194 Enraciné dans son engagement passé de se consacrer à développer son esprit d'éveil, il connaît le fondé ( gnas pa ), obtention plaisante de ce qui a été vertueusement et complètement mûri et l'infondé, celle déplaisante d'un complet mûrissement [d'absence de vertus].
Il connaît le mûrissement des actes, indiquant karma et fruit [correspondant]. Il connaît les mondes (khams) variés. Il connaît la qualité des facultés [psycho-sensibles des êtres], indiquant les facteurs en accord avec ces facultés. Il connaît les divers tempéraments (khams) des êtres, se manifestant en harmonie avec ceux-ci. Il connaît les diverses aspirations des êtres, se manifestant en harmonie avec celles-ci. Il connaît les menées de toutes sortes, samsariques et nirvaniques, ayant pratiqué chaque véhicule. Il connaît les recueillements immaculés, sans passions, ayant pratiqué résolument les samādhis. Il a mémoire subséquente des demeures antérieures, ayant pénétré une vertu inouïe (?). Il connaît, doté d'un regard divin sur les pensées inhabituelles des êtres, etc., quand ils basculeront dans la mort et quand ils renaîtront. Il connaît la paix des émotions, l'épuisement des souillures, montrant les facteurs propres à tarir celles-ci. Cette puissance dont il est investi a ces dix aspects, actualisés par le vainqueur lui-même à partir des abandons qu'il convenait d'opérer dans son propre courant mental et qui consacrent la défaite des quatre démons antagonistes à soi-même et aux autres.
195 Ayant cognition du fondé
Et de l'infondé, du complet
Mûrissement, des tempéraments,
Diverses aspirations des êtres,
De leur pureté, de leurs passions,
De la somme de leurs facultés,
Ayant cognition mémorielle
Subséquente des demeures passées,
En sa divine vision sachant
Comment mettre un terme aux souillures,
Percant l'armure d'inconnaissance,
Abattant son inébranlable
Mur, taillant son impénétrable
Jungle, ses forces sont telles un vajra.
195 Connaissant le fondé et l'infondé, [c'est à dire], la cause et son résultat, connaissant la rétribution [inéluctable consécutive au] mûrissement complet des actes, connaissant les divers tempéraments ou types de disciples et connaissant les différentes menées des transmigrants, connaissant les diverses intentions ou aspirations des êtres sensibles, connaissant la qualité de la somme de leurs facultés [psycho-sensibles], connaissant, surtout, [la part de] pureté intégrale et de passions présentes dans les adéquations mentales (samāpatti) et les recueillements (dhyana), ayant l'immédiate cognition mémorielle (dran pa) subséquente des demeures passées et, en sa divine vision, des morts, des migrations et des naissances, sachant comment mettre un terme aux souillures chez soi et les autres, ce sont là les forces [qu'il oppose chacune] à leurs ennemis respectifs : l'épaisse armure des voiles de l'inconnaissance, et autres, qui sont tels un mur inébranlable, une jungle impénétrable, et que ces forces dans le même ordre, percent [pour l'une], abattent [pour le second] et taillent [pour la troisième], raison pour laquelle toutes ces forces du vainqueur, sont " semblables à un vajra ", l'essence de la matière.

Les quatre impavidités

196 Parfaitement éveillé à
Tous phénomènes, ayant fait taire
Tous obstacles, montrant l’extinction,
Montrant le chemin, son absence
De peur revêt ces quatre aspects.
196 L’absence de peur du bouddha, détendu, sans appréhension, intrépide, revêt quatre aspects. Il peut dire : ’Je me suis éveillé à la réalisation directe de la sphère de tous phénomènes (dharmadhātu)‟ sans que ses détracteurs puissent nier [qu’il ait accompli] sa promesse d’excellemment réaliser les biens personnel et d’autrui, ayant montré la qualité de son absence d’ avarice, à travers [sa pratique] des adéquations mentales sur le chemin de l’apprentissage, montré son absence d’égoïsme (nga rgyal) en établissant [les êtres] sur la voie des dharmas blancs, sans les laisser soumis à des facteurs d’obstruction (bar du gcod pa’i chos ).
Il peut dire : ’ J’ai fait taire [l’ influence] des imprégnations‟, c’est à dire, tels qu’il les enseigna, des dharmas faisant obstacle au bien des autres, ceci sans que ses détracteurs puissent nier qu’il eut ceux correspondant à [la réussite de] sa promesse de [réaliser] ses propres abandons profitables, montrant sa maîtrise dans l’extinction de tous obstacles, de tout ce dont il faut se dépouiller, et montrant un chemin salvateur pour autrui, celui, libérateur, des trente sept purifications.
197 Parce qu’il perçoit tous les aspects
Des objets de la connaissance
Personnelle, d’autrui, qu’il transmet
Cette perception et qu’il a quitté
Ces objets à abandonner,
Qu’il investit les autres de ce
Dépouillement, car il s’en est
Remis à ce à quoi il faut
S’en remettre, qu’il a obtenu
L’obtention insurpassable, qu’il
S’est appliqué à ce qu'on l’ait,
Car il possède une vérité
Applicable à lui et autrui,
Le grand rishi, où qu’il se trouve,
Ne connaît pas la moindre gêne.
197 Cette quadruple impavidité a une fonction agissante. Parce qu’il perçoit intimement tous les objets de connaissance personnelle et d’autrui, en tant qu’ aspects de la vérité de la souffrance, et qu’il transmet cette perception aux autres, car il a intimement quitté tous ces objets qui, vérité de l’origine de la souffrance personnelle et des autres, sont à abandonner et qu’il investit les autres de ce dépouillement, car il s’en est remis intimement à la vérité d’un chemin, chemin auquel lui-même et les autres doivent s’en remettre, car il a obtenu intimement, vérité de la cessation extrêmement immaculée, l’obtention insurpassable pour soi-même et autrui et qu’il s’est appliqué à ce que les autres aussi l’aient, car il a manifestement réalisé pour lui-même le sens de ces quatre nobles vérités, et qu’il en instruit [donc] avec sincérité les autres, bouddha parfait, le grand rishi énonce sans gêne la Doctrine absolue dans quelque cercle que ce soit, de brahmanes, d’ascètes, etc.
198 Tel le puissant parmi les fauves
Qui vaque, toujours intrépide,
Jusqu’aux confins de la forêt,
Sans s’inquiéter des bêtes sauvages,
Le puissant des Munis, lion
Au sein de la foule, demeure
Content sans se fier à elle,
Gardant vivace son recueillement.
198 Tel le lion, puissant parmi les fauves, qui vaque toujours intrépide jusqu’aux confins de la forêt, ne s’inquiétant de nulle autre bête sauvage, même au sein de la foule, le puissant des Muni, lion chez les hommes, demeure content. Ces autres êtres ordinaires dont il voit qu’ils ne l’égalent pas, il ne s’y fie pas, mais reste dans la vivacité du recueillement de son samādhi, s’étant échappé du domaine des empreintes issues des actes sous l’emprise de l’ignorance.

Les dix-huit qualités déterminées

199 Sans mésusage ni faire de bruit,
L'attention du maître ne faillit.
Son esprit ne se départit
Jamais de son égalité
Méditative ni ne s'adonne
A diverses discriminations,
A une équanimité sans
Distinguos : aspiration et
Energie, mémoire, discernement,
Parfaite libération des voiles,
Vision de sagesse parfaitement
Libérée qui ne dé clinent jamais,
Œuvres d'une sagesse préliminaire
Et subséquente, vision d'une gnose
Sans entrave et intemporelle :
Sont les dix-huit qualités "sans
Mélange", entre autres, de l'enseignant.
199 [Les dix-huit qualités déterminées du Bouddha] sont en quatre sections. (1 à 6) [La section de] la conduite en comprend six : il est sans mésusage de son corps ni faire de bruit dans l'usage de sa parole; de même, l’attention du maître ne faillit pas, pour ce qui concerne l’esprit, esprit qui ne se départit jamais de son égalité méditative, ne s’adonne pas à des discriminations variées, n’est pas équanime sans [savoir opérer les] distinguos individuels [nécessaires].
(7 à 12) [La section de] la réalisation en comprend six : une inspiration ('dun) qui ne faiblit jamais, une énergie, une mémoire, un discernement [des moyens], pour libérer complètement [les êtres à instruire] des voiles, une parfaite libération des voiles, une vision de sagesse parfaitement libérée qui ne déclinent jamais, énumération de samādhis qui a pour but [de montrer ce qui est] subsumé par l’absence d’un esprit qui ne serait pas en absorption méditative [chez l’éveillé ]. (13 à 15) L’activité éveillée comprend trois [qualités] intrinsèques, œuvres du corps, de la parole et de l’esprit, acquises sur la base des [deux] sagesses préliminaire et subséquente. (16 à 18) La sagesse comprend trois [qualités] intrinsèques, un esprit purifié des connaissables des trois temps (i), [résultant en] l'obtention sans voiles d'une vision de sagesse sans entraves (ii) et sans attachement aux trois temps (iii).
Ainsi s’achèvent [la liste de ces] les dix-huit [qualités] intrinsqèues. Il y en a d’autres : un corps immensurable par exemple dont l'uṣṇÉṣa n'est pas perceptible, et qui, sitôt vu, apaise les errements des êtres. Des sūtras disent que ses robes, qui ne le touchent pas, sont éloignées juste de quatre doigts de son corps, etc., énonciations [valides] elles-aussi de qualités sans mélange de l’enseignant, particulièrement merveilleuses, qui viennent de ce que [l’éveillé], précédemment, sur la voie de l’ apprentissage, guida sans faux pas les êtres perdus, et qui ne se recoupent pas avec celles des Auditeurs et des Bouddhas solitaires.
200 Le rishi n’est pas gauche, bruyant, confus, troublé.
Sans discrimination, son équanimité
Est naturelle : aspiration et énergie,
Attention et discernement parfaitement
Immaculé, liberté d’une pérennité
Parfaite, sagesse libre dans sa vision de l’ensemble
Des objets de connaissance ne fléchissent pas.
Toutes les trois activités de celui-ci
Ont pour prélude et subséquence, la sagesse,
Application d’une connaissance très étendue,
Sans obstacles, constante des trois temps passé, présent,
Futur. Ayant réalisé tout ceci, c’ est
Sans peur qu’il met en mouvement, efficacement,
Pour les êtres, le grand Cycle du Saint
Dharma ; empli de vaste compassion, vainqueur,
Tel est le profit que, bouddha, il a fait sien.
200 Le rishi n’est pas gauche corporellement, bruyant verbalement, confus spirituellement, troublé spirituellement, [défauts subsumés par la cinquième qualité déterminée :] il n’est pas inégal dans sa posture méditative.
Sans faire de discrimination, de distinguos entre le saḿsāra et le nirvāńa, son équanimité naturelle n’est pas indifférence.
Son aspiration, son énergie, son attention, son discernement parfaitement immaculé, sa liberté d’une parfaite pérennité, sa sagesse libre dans sa vision de l’ensemble des objets de la connaissance ne fléchissent pas. La base causale de toutes les trois activités éveillées du corps, de la parole et de l’esprit de celui-ci, le bouddha, a pour prélude une sagesse qui les motive, tandis que le temps [de leur accomplissement] est motivé, lui, par une sagesse subséquente, le bouddha appliquant avec précision, sans obstacles, sa connaissance très étendue, constante, des trois temps passé, présent et futur. Ayant réalisé, ce qu’il a obtenu, toutes les dix-huit qualités déterminées, c'est sans peur que le bouddha met efficacement en mouvement pour les êtres le grand cycle du Saint Dharma, empli d’une vaste compassion, bénéfice pour les autres, et, s’étant rendu vainqueur de l’ennemi, les ’éliminables‟, bénéfice pour lui-même, [tel est] le profit qu’ effectivement, par sa pratique d’un chemin en accord avec [ses deux sagesses] distinctes, préliminaires et subséquentes, des voiles, Bouddha, se libérant des souillures, a fait sien.
201 Les propriétés de la terre,
De l’eau, du feu et du vent
Ont une réalité que n’a pas
L’espace : la marque de l’espace,
Inobstruable, et caetera ,
Est de ne pas être matériel.
Le terrestre, l’aquatique, l’igné,
L’ aérien ont avec l’espace
Le monde en commun tandis que
Les "sans mélange" ne partagent pas
Même un atome avec ce monde.
201 Les propriétés de la terre, [l’eau, le feu, le vent] ‒ densité, fluidité, etc., ‒ ont une réalité (chos nyid) individuant le composé que l’espace n’a pas. La marque de l’espace est de s’ouvrir, etc., inobstruable, aux autres propriétés, la marque qu'il porte du fait qu'il n’est pas matériel. Ainsi l’espace pénètre t-il tout le [monde] matériel sans cependant rien de commun avec lui. De la même manière, la compassion du Bouddha pénètre les êtres ordinaires, sans cependant que ses qualités déterminées aient rien de commun avec celles d’un être ordinaire. Exactement, ces qualités intrinsèques, même le ciel ne les illustre pas. Les éléments terrestre, aquatique, igné, aérien et l’espace gardent une similitude en ce que ce sont seulement des constituants d'un monde qu’ ils ont en commun tandis que les dix-huit qualités déterminées du bouddha, qui ne partagent pas même un atome avec ce monde, restent particulièrement au-delà de tout exemple.
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