La Continuité Ultime

Bouddha

6 je me prosterne devant celui
Qui, sans début, milieu ni fin,
Est paix et dont la pureté,
L’éclosion de l’éveil proviennent
D’une sagesse se connaissant
Elle-même ; devant lui qui,
Pur, ouvert, montre la voie constante,
La voie sans peur, afin que ceux
Qui ne sont pas réalisés,
Aillent a la réalisation.
Armé de la suprême épée
De connaissance et de pitié,
Il tranche les pousses de la souffrance.
Et arme du suprême vajra
De connaissance et de pitié
Il pourfend la muraille du doute
Encerclée par l’épaisse foret
De l’enchevêtrement des vues.
6 Bouddha est celui qui, sans naissance au début, durée au milieu, ni cessation à la fin, est non composé. Celui qui, paix complète de toutes pensées et fabrications mentales, est spontanément présent. Il est celui dont l’éveil a été acquis sans guru autre que lui-même. Sa réalisation n’est pas conditionnée de l’extérieur, mais l’entière pureté et l’entière éclosion [de son éveil] proviennent d’une sagesse se connaissant elle-même intimement. Voilà pour les qualités [du fruit de l’accomplissement] de son bien propre. Pur du sommeil de l’ignorance et son intelligence ouverte à tous les connaissables, il est devenu détenteur d’une merveilleuse connaissance et il a la compassion de montrer la voie constante,sans peur (17) du saḿsāra, la dimension de sa vraie nature (chos nyid kyi don), afin que ceux qui ne sont pas réalisés aillent à la réalisation, eux-aussi, de ces trois qualités [de l’éveil, non composé, spontanément présent, personnellement réalisé]. Il est force agissante. Armé de la suprême épée de connaissance et de pitié, il tranche les pousses des agrégats du nom et de la forme (18), les racines de la souffrance. Et armé du suprême vajra de connaissance et de pitié, il pourfend la muraille du doute sur la vérité du karma et sa rétribution, encerclée par l’épaisse forêt impénétrable d’un enchevêtrement (sna tshogs) de vues préconçues et pusillanimes (19) [d’un soi existant ultimement sous la forme] d’un groupement transitoire. Ce sont là les trois qualités [de l’accomplissement] du bien des autres et le bouddha les possède. C’est pour cela que je me prosterne devant lui avec une grande dévotion.
7 Non composée, spontanément
Etablie, réalisation
Sans condition de l'extérieur,
Sagesse, compassion et force
Agissante, la bouddhéité
A deux bienfaits.
7 Ce qui vient d'être dit attribue six ou huit qualités à la bouddhéité : celles d'être non composée, immuable, n'étant pas généré par des causes et conditions, d'être spontanément établie, car [présente] sans effort, d'avoir une réalisation, [produite] par sa propre cognition, sans condition extérieure (gzhan gyi rkyen).
Puis la bouddhéité possède (d) la qualité de sagesse (mkhyen pa) ayant ces trois qualités ci-dessus, (e) la qualité de compassion, établissant aussi autrui en cette réalisation et elle est douée de (f) force agissante, car elle élimine la cause de la souffrance d'autrui et son fruit. En tant que substance réelle (20) donnant lieu à six subdivisions, la bouddhéité réunit les deux [jeux de] qualités de l'excellent bienfait personnel, les trois premières (a,b,c), et les qualités de l'excellent bienfait d'autrui, les trois dernières (d, e, f), et, si l'on retient [eux-mêmes en tant que qualités, ces deux biens qui, chacun] subsument trois qualités, la bouddhéité est douée de huit qualités.
8 Bouddha est dit non composé,
Car sa nature est sans début,
Milieu ni fin, et il est dit
Spontanément établi car
Investi de la paix du Corps
Des dharmas ; irréalisable
Par une condition externe,
Il est la réalisation
D’une sagesse réflexive
Intime. Il a la connaissance
Ayant la réalisation
De ce triptyque de qualités.
Montrant la voie, il est pitié.
Ayant la force agissante
De la connaissance, la pitié,
Il fait abandonner la peine,
Les passions. Ses trois premières
Qualités font son bien à lui,
Les trois dernières, celui d’autrui.
8 L’enseignement de la louange étant composé de caractéristiques [du Bouddha], cette stance en fait l’analyse en les expliquant par des démonstrations échelonnées. Bouddha est dit non-composé, car sa nature est sans les trois début, milieu ni fin, sans les propriétés d’un conditionnement par une naissance, une durée et une cessation. En général, le terme de non-conditionnement donne lieu à quatre explications différentes :
- par le défaut d’existence d’une naissance et cessation dues à des causes et des conditions ;
- par le défaut d’existence d’une naissance et cessation due à un karma et ses passions ;
- par le défaut d’existence inhérent à la naissance dans un corps mental suivie d’une extinction par mort inconcevable propre aux Vainqueurs de l’ennemi;
-par le défaut d’existence propre d'un être ne se manifestant et ne cessant que pour ses disciples.
Rongteun affirme, dans ce contexte, que le corps de réalité (chos kyi sku, dharmakāya) du Bouddha, non-conditionné, ne manifestant naissance et mort que pour les disciples, relève du quatrième de ces points. Mais si l’on comprenait le don de la qualité de non-conditionnement dans cette acception [seule ? ], on se retrouverait en opposition même avec les qualités de connaissance, de compassion et de force agissante.
Bouddha est dit ayant une activité spontanément établie car investi de la quintessence du Corps des dharmas : paix complète, en dehors de tout effort de conceptualisation au niveau de l’esprit, d’élaboration d’actions au niveau du corps et de la parole, etc.
Il est irréalisable par une condition externe, parole d’autrui, etc., car bouddha doit être la réalisation d’ une sagesse née d’elle même réflexive intime. Ainsi, a t-il la parfaite sagesse de la connaissance ayant la réalisation que la dimension de vacuité (dharmadhātu), dotée de ce triptyque de qualités ‒ ne pas être composée, être spontanément établie, ne pas dépendre d’autrui pour sa réalisation ‒ est infuse en tous les êtres. Et il a une parfaite pitié puisqu’il montre distinctement aux autres êtres qu’il lui revient d’éduquer, en accord avec leur disposition (22) la voie au-delà du monde afin de les établir eux aussi dans la pureté ultime.
Il a l’excellente activité éveillée d’une force agissante : comme on vient de l’expliquer, ses deux connaissance et pitié, juste expliquées, lui confèrent la force agissante qui fait quitter aux êtres [la saisie en tant que ’soi”] des agrégats qui font de la peine leur bien propre, et l’infinité des passions qui en sont la cause.
Ici, on montre un “[éveil] accompli (’grub pa)” en terme de son excellent bien à lui grâce aux trois premières qualités, et un “[un éveil] qui accomplit (bsgrub pa)” grâce aux trois dernières l’excellent bien d’autrui.
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