La Continuité Ultime

Présentation des quatre points suivants

L'élément

Ce chapitre introduit deux notions importantes, l'élément et la noblesse spirituelle (rigs), cette dernière se disant en sanscrit gotra. Gotra est difficile à traduire puisqu'il veut dire simultanément "potentiel, aptitude" et "lignée", voir "strate  sociale". Les orientalistes, des maîtres spirituels traducteurs comme Pönlop Rimpochés, conservent gotra dans leurs textes, mais notre projet étant de rester accessible, nous risquons les traductions de noblesse, filiation spirituelle dans l'attente d'une évolution du glossaire français du dharma. D'une manière générale, la tradition tibétaine a tiré des Cinq Traités de Maitreya deux présentations du gotra, la noblesse spirituelle unique (ou le potentiel unique) dotée de deux niveaux de développement, représentée par la Continuité et celle des cinq noblesses spirituelles (ou cinq potentiels) représentée par l'Ornement de la claire réalisation (Abhisamayālaḿkāra), que le lecteur diligent aura rencontrée dans le Précieux Ornement de la libération. La première reconnaît un véhicule ultime et un fruit ultime, l'autre trois véhicules ultimes et trois fruits ultimes (explication de DZPR).
Quant à " élément ", le terme ne va pas sans surprendre de prime abord. Mais heureusement JKLT le définit dans son introduction : " Noblesse spirituelle ( rigs), élément (khams), germe (sa bon), etc., sont donnés comme synonymes. Le terme "élément", n'a pas le sens de "constituant (rgyu)", mais est utilisé dans celui secondaire d'essence. Il est synonyme de "Cœur de l'ainsi allé" (D'aucuns diraient "nature de bouddha", ce qui nous arrive aussi, mais nous avons cependant privilégié "coeur.." qui est plus près du texte sans poser de problème d'interprétation majeur, voir le contraire - N. du T.).


22 23 Depuis l'ainsité entachée,
A travers l'ainsité sans taches,
Via les qualités du bouddha
Immaculé puis par les actes
Des vainqueurs, l'épiphanie des
Joyaux de bien est le domaine
De ceux qui contemplent l'absolu.
La noblesse de ces trois joyaux,
Domaine de Ceux qui tout contemplent,
Est impensable en tant que telle
Pour quatre raisons applicables
Dans l'ordre à chacune de ces phases :
22 Depuis (1) l'ainsité entachée, tel que l'on nomme le Cœur de l'Ainsi allé à la phase des êtres ordinaires où la dimension de vacuité n'est pas libérée du cocon des passions, à travers (2) l'ainsité sans taches tel que l'on nomme le corps de réalité, à la phase de la terre du Bouddha où ce Cœur se définit comme la complète transformation par la libération de toutes les taches adventices durant la méditation de la voie, (3) via les qualités du bouddha, qui sont les dharmas de purification (bud-) et d'ouverture (-dha) réunis par les fruits du parfait mûrissement et de la libération - les pouvoirs, etc., - connectés au Corps des dharmas (4) puis par les actes des vainqueurs qui, expression de la puissance de ces qualités, sont l'accomplissement ininterrompu, spontanément présent, du bien des êtres par une insurpassable activité éveillée en harmonie avec chacun de ces êtres, ce sont là les quatre points - le premier en est la cause, les trois autres les conditions - où advient l'épiphanie des trois joyaux de bien, épiphanie dont la modalité, inconcevable pour les Auditeurs, Bouddhas solitaires, éminents ou autres, est le domaine d'expérience des seuls Bouddhas doués de la sagesse ultime qui contemplent directement la vacuité (dharmatā).
23 La noblesse de l'éveil est la source de l'accomplissement des trois joyaux, en tant que fruit. La réalité de l'ainsité (ji lta ba'i don) de cette noblesse à travers les quatre stades - cause et conditions - aboutissant à l'apparition des trois joyaux est du domaine de sagesse des seuls Bouddhas qui contemplent directement tous les modes du connaissable. Dans le détail, cette ainsité reste impensable en tant que telle pour les êtres ordinaires du fait de quatre raisons intrinsèques que l'on appliquera dans l'ordre à chacune des phases de l'élément, etc. :
24 Pure, elle est chargée de passions,
Passions sans existence vraie
Mais dont il faudra purifier
Sa nature indifférenciée,
Spontanée, sans aucune pensée.
24 L'ainsité [au stade] de l'élément est inconcevable car elle est celle d'une nature de l'esprit primordialement toute pure et, simultanément, chargée de passions évidentes sous la forme des taches adventices ;
. L'ainsité [au stade] de l'éveil est inconcevable car, bien que les puissantes passions adventices n'aient pas d'existence vraie, il faudra à posteriori lui restituer son extrême pureté des taches, à partir des méditations de la voie ;
. L'ainsité [au stade] des qualités est inconcevable : absolues, elles ont leur propre existence indifférenciée de la nature (chos) de l'ainsité, même à la phase de l'être ordinaire porteur de passions, mais elles ne s'actualiseront pas tant que l'éveil ne sera pas atteint ;
. L'ainsité [au stade] de l'activité est inconcevable car elle y est l'accomplissement des souhaits, ou espoirs, des disciples en harmonie avec leur disposition, en un courant ininterrompu, perpétuel, spontané, dénué d'effort et en même temps, sans aucune pensée intimant "faisons ceci, faisons cela " !
On dirait la réunion sur une même base de couples de contraires : ces points ne se contredisent pas. L'élément a pour nature parfaitement pure la vacuité d'une entité immaculée, ne comportant en guise d'impureté que des souillures passagères. C'est sur le mode opératoire de l'extraction de l'or depuis son minerai que s'opère sa purification. A priori, l'or est une substance par nature sans défaut. Néanmoins, il y a un temps second où il faut le purifier. C'est dans ces termes que l'éveil, bien qu'absent à la phase de l'être ordinaire, après complète purification se montre d'une manière indifférenciée de la Réalité.
A la phase de l'être ordinaire non purifié de ses souillures, les qualités non plus ne sont présentes. Cependant, après purification, elles se révèlent sous le mode de leur union insécable avec la vacuité. Comme dans notre exemple de l'or dont l'éclat, d'abord terne à la phase du minerai non affiné, se révèle une composante inaliénable de celui-ci. [L'absence d'opposition de] l'activité sera expliquée dans son propre chapitre ci-dessous par neuf exemples.
25 Base de la réalisation,
Réalisation et ses branches,
Facteur de réalisation :
Dans l'ordre, un point étant la cause
Primaire de sa pureté,
Trois représentent les conditions
De celle-ci, connaissons les !
25 Ces quatre points résument la somme de ce qu'il y a à connaître :
- L'élément associé aux souillures constitue le point de la base de la réalisation ;
- L'éveil libre de souillures constitue le point de l'essence de la réalisation ;
- Les qualités attachées à l'éveil constituent le point des branches de cette réalisation ;
- La force agissante de ces qualités, l'activité, constitue le point du facteur de réalisation de l'élément.
Dans le même ordre,le premier de ces quatre points, l'ainsité avec les souillures, est la cause primaire de la purification, à partir de laquelle, quand les taches sont complètement éliminées, apparaissent les trois joyaux. Les trois points suivants sont les conditions de la purification. Connaissons les !

L'élément

26 En tout être, il y a toujours
Le Cœur d'un Bouddha car le corps
Des qualités de l'éveillé
Rayonne en tout, car l'ainsité
Est indifférenciée et car
La noblesse est là présente.
27 "Tous ceux qui errent ont la nature
D'un Bouddha, a t-il été dit,
Car la sagesse éveillée gît
Dans la multitude des êtres,
Car la nature immaculée,
Est sans les deux passions et actes,
Car dire que les êtres appartiennent
A la noblesse des éveillés
Est une métaphore pour dire
Que ces êtres ont déjà le fruit."
26-27 En tout être sans exception, depuis des temps immémoriaux, il y a toujours, en un continuum ininterrompu, le Cœur d'un Bouddha authentique : - car le corps des qualités du parfait éveillé pénètre, rayonne en tout phénomène ; - car l'ainsité est complètement indifférenciée de la vacuité de tous [les phénomènes du] saḿsāra et nirvāńa; - car la noblesse des Ainsi allés, dimension de vacuité (dharmadhātu) pure par nature, est là présente en tous les êtres, dont les voiles sont propres à être éliminés.
"Le bhagavan a déclaré que chaque être a en permanence la nature d'un Bouddha" dit un sūtra. Le Grand Ngo le Traducteur explique : "Le Cœur de l'Ainsi allé est présent en tant que fruit, nature et cause. "[En tant que fruit il est le] corps de réalité présent effectivement sous la forme du tathāgata et métaphoriquement chez les êtres en tant que Cœur de l'Ainsi allé, au sens où ceux-ci sont capables de réaliser ce Corps des dharmas. En second, en tant que nature il est effectivement présent sous la forme de l'ainsité [à la fois] des bouddhas et des êtres, moyennant une simple variation dans son degré de pureté. Troisièmement, à l'état de cause, il n'est présent que métaphoriquement chez l'Ainsi allé mais il l'est d'une manière effective chez les êtres ".
Asańga dit à ce sujet :
"En bref, la possession par tous les être sensibles de la nature de l'Ainsi allé revêt trois aspects […]. Le baghavan a dit :
[27]

"Tous ceux qui errent ont la nature
D'un Bouddha, a t-il été dit,
Car la sagesse éveillée gît
Dans la multitude des êtres,
Car la nature immaculée,
Est sans les deux passions et actes,
Car dire que les êtres appartiennent
A la noblesse des éveillés
Est une métaphore pour dire
Que ces êtres ont déjà le fruit. "

L'explication du point [de l'élément], doté de ces trois aspects sans exception, a été utilisée dans toutes les écritures des Vainqueurs, ce qui nous autorise à la reprendre. Selon elles, donc, [la conception de l'élément est fondée sur] "le fait que le Corps des dharmas de l'Ainsi allé est infus ('phro ba )dans tous les êtres sensibles, le fait que l'ainsité de l'Ainsi allé est indifférenciée, le fait de l'existence d'une noblesse des Ainsi allé, etc."
Si ces vers n'apparaissent plus dans les commentaires de certains détracteurs, Cheunou Pel, Keun Cheun, Rongteun, et d'autres dans leurs ouvrages, s'y sont référés pour les commenter en détail. On les trouve encore maintenant dans des ouvrage suivant le commentaire détaillé du noble et grand jonangpa Taranatha.
28 Essence et cause, fruit et fonction,
Possession, manifestation,
Phases et de même, omniprésence,
Immuabilité constante,
Excellences indifférenciées
Sont à connaître comme la Pensée
Intentionnelle sur cette
Dimension de la vacuité.
28 L'essence (1) et la cause à partir de laquelle cette essence est purifiée (2) ;
Le fruit (3) et , ce fruit agissant, la fonction accomplissante (4)
La possession d'une variété de qualités (5) ;
La manifestation multipliée chez les êtres (6) ;
La division en phases purement nominales (7) et, de même, l'omniprésence comme celle de l'espace (8) ;
L'immuabilité constante à travers le temps (9) ;
L'indifférenciation de quatre excellences (10).
sont à connaître comme les dix points qui délimitent la vérité absolue, la dimension de vacuité (dharmadhātu).
29 Pure à l'instar de l'eau, du ciel,
D'un joyau, et en l'absence
Constante, l'absence naturelle
De passions, l'essence se montre
A partir de la dévotion
Pour la Doctrine, par l'extrême
Discernement, les absorption
Méditative et compassion.
29 Le propre de l'essence est d'être pure à l'instar de l'eau du fleuve, du ciel , d'un précieux joyau, en la constante absence, naturelle au dharmadhātu, à la nature de l'Ainsi allé, des taches des passions . Cette essence se montre éveil, réalisation, à partir de [quatre] causes de purification complète des souillures adventices : la dévotion pour la Doctrine du Grand Véhicule, le discernement extrême réalisant l'absence de soi, l'absorption méditative sans mesure dans la félicité, la grande compassion , ayant pour visée mentale les êtres sensibles.
de quatre excellences. (10).
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